« Du désœuvrement à l’errance : la situation préoccupante des Mineurs Non Accompagnés déboutés du bénéfice de la protection de l’enfance dans la ville de Poitiers »

Communiqué de presse, diffusé le 10/11/2017

Poitiers, Centre Socio-Culturel de la Maison des Trois Quartiers

« Du désœuvrement à l’errance : la situation préoccupante des Mineurs Non Accompagnés déboutés du bénéfice de la protection de l’enfance dans la ville de Poitiers »

L’ensemble de l’équipe impliquée dans le pôle REMIV – porté par le centre socio-culturel de la « Maison des Trois Quartiers » de Poitiers, en partenariat avec le laboratoire MIGRINTER – souhaite aujourd’hui alerter sur un ensemble de phénomènes entourant l’accueil et la prise-en-charge des Mineurs Non Accompagnés (MNAs) sur le territoire de la Vienne. La présente démarche est soutenue par la Fédération des centres sociaux et socio-culturels du département de la Vienne.

Les MNAs sont des enfants, des adolescents, qui ont entamé un parcours migratoire en l’absence de leurs parents ou de tout adulte responsable de leur subsistance et de leur protection. Au cours de leur mobilité et lors de leur arrivée sur le territoire français, ces jeunes sont donc démunis et égarés, éloignés de leurs familles, des repères socio-culturels et affectifs essentiels à un développement serein, équilibré, de leur devenir en tant qu’adultes.

L’enjeu d’une prise-en-charge de qualité, adéquate et précise de leurs besoins paraît, à ce titre, incontournable pour un pays ayant ratifié la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de 1989 (CIDE), laquelle prescrit le respect et l’assurance d’un traitement envisagé dans « l’intérêt supérieur de l’enfant » (art. 3 de la CIDE). Ces dispositions leur assurent, de manière prioritaire, « le droit à la survie et au développement » (art. 6 de la CIDE) ainsi que leur « droit à l’éducation » (art. 28 de la CIDE et L111-1 ; L122-3 du Code de l’Éducation français).

Les concertations menées au quotidien révèlent que les acteurs sociaux et les agents institutionnels sont confrontés au désarroi de ces jeunes et aux difficultés de leur apporter une réponse globale adaptée à leurs besoins primordiaux. Pendant une première phase tendant à évaluer leur condition de mineurs, l’accueil provisoire d’urgence permis par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) assure leur hébergement, leur alimentation ainsi que des soins médicaux basiques. Pourtant, scolarisation, soins médico-psychologiques, accès à l’information juridique et espaces de socialisation – des aspects primordiaux pour leur bien-être et leur développement – leur sont bien souvent inaccessibles. L’absence d’éducation et/ou de formation tout au long de cette phase de prise en charge provisoire, qui peut se prolonger durant de longs mois, voue ces jeunes à la vacuité et à l’errance, ce qui nous paraît particulièrement inquiétant.

Davantage, l’annonce récemment faite par le premier ministre prévoit la centralisation des responsabilités opérationnelles et financières de l’évaluation et de la prise-en-charge des MNAs. Effectuée par l’État et non plus par les départements, les démarches préalables à une prise-en-charge des MNAs seront donc distinguées de celles qui seront encore appliquées aux enfants nationaux. Là, nous estimons qu’est entreprise une sortie progressive du traitement dévolu aux MNAs depuis le cadre juridique de la protection de l’enfance vers un traitement administratif exclusivement encadré par le droit des étrangers. Nous craignons ici une tendance politique affichée désireuse d’opérer une segmentation des protections réservées à l’enfance sur la base de la nationalité, tandis qu’une inquiétude renouvelée porte sur l’absence de concertation – entre la société civile et le corps politique – ayant précédé cette déclaration.

Successivement, lorsqu’une estimation négative de la minorité et un refus de prise en charge sont décidées au niveau administratif, les jeunes déboutés ne peuvent faire valoir aucun droit. Ils ne sont ni considérés en tant que mineurs en danger (au titre de la protection de l’enfance) ni estimés majeurs, ceci leur ôtant le droit d’accéder aux services sociaux pour personnes adultes en situation précaire.

Sans identité juridique, sans abri, sans ressource financière et sans soin, l’intégrité psychologique et physique du jeune débouté est fortement menacée. Pis, un tel contexte peut être susceptible d’accroître la propension aux faits de délinquance chez une population vouée à la plus extrême des précarités, ce qui ne semble heureusement pas être le cas sur la ville de Poitiers. Par notre pratique quotidienne, par les observations issues de notre expérience et que nous avons collectées, nous pouvons témoigner du courage et de la détermination de la plupart de ces jeunes à œuvrer pour leur avenir, pour un futur qu’ils désirent le plus favorable possible en s’intégrant convenablement dans notre société.

Il nous semble aujourd’hui important de soutenir ces volontés en évitant d’ériger de nouveaux obstacles accentuant leur précarité.

Notre inquiétude principale trouvera une voie de résolution par le maintien d’une protection suffisante et la facilitation de l’accès aux démarches administratives et juridiques tout au long des parcours judiciaires entrepris par les jeunes déboutés de la protection de l’enfance en phase administrative, notamment lors de la procédure de recours adressée au juge des enfants. Ce sont des aspects centraux de l’accompagnement qui doit être réservé à ce public. Par extension, les actions solidaires de soutien dédiées aux jeunes délaissés ne peuvent incomber aux seules structures associatives et aux citoyens et citoyennes sensibles à leur destin.

Une telle résolution ne constituera pas une réponse exhaustive à la totalité des besoins revenant aux Mineurs Non Accompagnés. Néanmoins, elle constitue un préambule indispensable qu’il est prioritaire de mettre en œuvre. Un projet politique, institutionnel et civique désireux de voir s’accomplir son souhait d’une société apaisée, juste et soucieuse de la qualité de vie de ses citoyens ne peut se départir de telles obligations. Ce ne sera qu’au regard de ces changements que le bien-être de tous sera autorisé et préservé.

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